Histoires ferroviaires 3
Je me réveille à nouveau (tout est question de sommeil ou de réveil dans un train). Nous sommes arrimés à une station. Les chaï-wallahs crient dans le wagon en circulant de compartiment à compartiment, portant leur grosse théière à bout de bras.
Sur le quai comme dans le train, ils ralentissent et se taisent arrivés à notre hauteur. Éberlués, consternés, surtout intéressés par ces trois femmes occidentales innocemment endormies.
Un petit attroupemement se forme devant nos deux fenêtres, constitué principalement de vendeurs de chaï à la traîne. Je leur jette mon regard interrogateur et ils redémarrent d'un pas hésitant, se retournant pour vérifier si je guette toujours.
Le vieil homme déploie ses longs et maigres bras à partir de sa couchette pour me saisir le molet et m'avertir avec des signes en tout genres que Gorakphur approche ou que nous y sommes déjà. Je comprends mal, personne ne parle anglais dans ce train, même le contrôleur s'exprime dans un anglais approximatif.
Cette station ou la prochaine? Il me faut éclaircir la situation avant que le train ne démarre, tout le monde est encore endormi, les bagages encore enchaînés. Je circule dans le wagon en tenant de vérifier et de contre-vérifier les informations, enjambant paquets, valises, bagages et indiens endormis à même le sol. Les indiens n'ont jamais l'air sûrs d'eux-mêmes quand ils dodelinent de la tête et les signes de mains ne sont pas suffisament efficaces pour arriver à quelque certitude.
Malgré le doute, j'accepte le consensus approximatif voulant que Gorakphur soit la prochaine station et soulagé, je rentre à mon compartiment.
Je réveille les autres, prépare mon sac à dos pour la sortie et m'assois sur ma couchette en remerciant le vieil homme pour sa bienveillance.
Les mains pleines de tabac à mâcher qu'il roule et écrase machinalement entre ses paumes, il penche sa tête en guise de reconnaissance.
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