mardi 31 juillet 2007

Comment se faire arnaquer par une fourmi

Trouver une fourmi d'assez grande taille en attendant un autobus qui a du retard.
Bien observer la fourmi, s'assurer qu'elle soit déterminée à rejoindre son nid ou tout autre endroit qui puisse être intéressant pour un insecte de son espèce.
La fourmi doit se montrer obsedée par le nid ou l'endroit en question.
Si tel est le cas, la fourmi devra s'élancer d'un pas rapide dans la direction choisie. Si elle vagabonde, flâne, s'arrête continuellement et/ou se prélasse sur le trottoir, changer de fourmi.

Bien observer l'itinéraire de la fourmi et repérer la direction dans laquelle elle se dirige.
Déposer son pied devant la fourmi de façon à lui faire obstacle dans l'idée de modifier sa trajectoire.
S'étonner du fait qu'elle contourne le soulier pour reprendre sa route initiale.
Répéter continuellement l'opération.
Tenter de faire perdre à la fourmi sa concentration et espèrer qu'à force de déviations elle oublie l'emplacement de son nid ou de son site d'intérêt formicidé.
Ne pas abandonner devant l'acharnement de l'insecte.

À force de répétitions, à perte d'attentions, déposer son pied un peu trop près de la fourmi.
Le retirer rapidement.
S'apercevoir que la fourmi ne bouge plus.
S'imaginer l'avoir écrasée.
Ressentir un pincement un coeur, éprouver de la culpabilité. Se confondre en excuses.
S'indigner de son sadisme, se dégoûter d'avoir torturé l'existence d'un être vivant, de s'être amusé au dépens de plus petit que soi.
Philosopher sur les contradictions entre l'événement et ses préceptes de vie, mettre en relation avec ses lectures présentes et passées et requestionner son mode de vie. Dériver longuement sur l'injustice, le meurtre, la mauvaise action ou le karma qui vient d'être accompli.

S'apercevoir que la fourmi n'est plus là.
Se demander ce qui a bien pu lui arriver.
La retrouver quelques mètres plus loin idemne qui se dirige à une allure folle vers son objet d'obsession.

Prendre son autobus.
Rentrer chez soi.

lundi 23 juillet 2007

Chamula

Dans le Chiapas, à travers ses montagnes, les moutons et leurs bergères indigènes grimpent des routes escarpées et sinueuses jusqu'aux abords de Chamula.

San Juan Chamula, un village bicéphale à l'architecture coloniale et aux moeurs indigènes. Les Tzotziles qui y vivent acceptent tant bien que mal d'y voir débarquer les troupeaux de touristes dans leurs éléphants climatisés.

À peine sortis de nos véhicules (camionnette de tôle grinçante pour moi, autocar de luxe pour eux), des dizaines de fillettes tzotziles nous chargent avec bracelets, ceintures, colliers, poupées, vêtements de confection artisanales. Elles insistent, nous collent aux talons, nous tendent une embuscade, nous prennent au piège, s'approchent beaucoup trop près, parlent avec des voix chantantes d'enfants exigeants qui répètent mille fois la même chose.

"Compraaaameeeeeee, Cooooomprameeeeeee!"


Certaines balbutient des mots en d'autres langues qu'elles ont appris en côtoyant des touristes.

Elles ne vont pas à l'école mais elles savent compter, parler, écouter et se souvenir. Leur instinct d'enfant compense en apprenant n'importe quoi. Elles finiront à peu près polyglottes, mais incapables de voir ces langages et ces cultures autrement que par la logique marchande.

"Achète-moi!" devient le disque sautant de la petite qui vient de se rendre compte que nous parlons français.

Elle dit "crème à glace" pour faire l'étalage de ses connaissances francophones et espère qu'on la trouve assez mignonne pour lui acheter 2, 3, 5, 6 bracelets pour 10 pesos (1$).


Une autre plus loin nous demande si nous parlons anglais, français, allemand, japonais avant de se mettre à rire et de se moquer de nous dans un dialecte indigène.


Une autre ne parle pas, elle est déficiente. Elle articule des sons qui rappellent le "cooooooomprameeeeeeeeeeeeee" d'un zombie et non plus d'une petite fille. Elle est habillée de la même façon que les autres, coiffée de la même manière, vendant les mêmes bébelles. Mais ses yeux sont vitreux, sa bouche est croche et elle expulse de la bave par la commissure de ses petites lèvres charnues.


Chez les adultes, les mères sont assises derrière leurs étals de marchandises, enfouies sous l'épaisse végétation des broderies, vêtements, foulards, châles et dessins sur cuir, occupées à répondre sèchement aux acheteurs potentiels et à tresser les cheveux de leurs plus jeunes filles, encore trop jeunes pour chasser le touriste sur le parvis de l'église. Elles nous répondent bêtement, sans sourire, marchandent dur, nous donnent l'impression de les exploiter alors que ce sont elles qui nous servent des prix exorbitants.


Nous y sommes mal accueillis et c'est précisément le paradoxe de l'endroit; malgré la présence d'un office du tourisme, nous ne sommes pas les bienvenus. Les rapports entre étrangers et locaux sont purement commerciaux, empreints d'une froideur et d'une méfiance qui anésthésient notre enthousiasme de touristes, qui rendent nos pas plus incertains et nos appareils photos plus timides.

Déjà que notre légendaire passé colonial ne doit pas aider à la camaraderie de nos échanges, les Tzotziles ne semblent pas posséder une culture des plus chaleureuses non plus. Il s'en dégage une incompréhension et un manque de communication qui allourdissent le climat.

Au travail des enfants, à la froideur de ses habitants et à l'inconfort général de notre présence, il faut ajouter le mystique et l'interdit.


Interdit de prendre des photos des tzotziles qui se cachent ou qui exigent beaucoup de pesos en échange de leur image. Interdit d'entrer dans l'église sans autorisation et paiement du droit d'entrée. Interdit de prendre des photos dans l'église sous peine de confiscation de l'appareil et de démêlés avec les autorités du village.


Vêtues de leurs vêtements traditionnels, de leurs épaisses jupes en poils noirs et longs, de leur ceinture rouge, de leurs chemises brodées, les femmes tzotziles pratiquent leurs rites traditionnels et mystiques dans l'ex église catholique. Elles y entrent avec leurs enfants, des oeufs, des boîtes de carton remplies de poulets vivants, de l'alcool, des boissons gazeuses et des dizaines de chandelles.


Nous les suivons dans l'embrasure de l'épaisse porte de l'église.






dimanche 22 juillet 2007

Grands Jardins

Il me faudrait grimper une montagne par semaine pour ressentir à chaque fois la même satisfaction et la même liberté.





lundi 16 juillet 2007

Gares

Nos deux semaines se sont révélées trop courtes pour alimenter adéquatement cet endroit de ce que nous avons pu vivre et voir. Les notes manuscrites et les correspondances privées se sont révélées beaucoup plus éloquentes et étoffées en matière de détails et d'histoires. Il n'est pas trop tard pour les retranscrire ici.

Après avoir dévoré des
pollos (poulets) rôtis entiers à l'arrêt de bus pour Cholula, à même leur sac de plastique brûlant, avec doigts en guise de fourchettes, assis en enfilade sur les bancs metalliques rouges aux côtés de l'authentique pueblo mexicain - et pas très loin des pollos bien vivants non plus - notre appétit d'expériences populaires avait été rassasié.

Mais comme l'appétit vient en mangeant, nous nous sommes remis à table avec San Juan Chamula, le village indien mystique à quelques kilomètres de San Cristobal. La scène : une gare assurant la connection avec le village, sol en rocaille et terre, cabane en bois, pilliers de béton blanc qui ne soutiennent rien du tout étant donné l'absence de toit.


Le chauffeur d'autobus de 15 ans calé dans son fauteuil de conducteur qui ne semblait pas comprendre pourquoi je lui demandais son âge avec des yeux ahuris.

La Guadeloupe trônant sur sa chapelle en plâtre dans un coin du stationnement, entourée de fleurs, de chandelles et d'offrandes, mais surtout d'hommes que l'on n'imagine pas agenouillés aux pieds de cette vierge-là.

Un grand tonneau d'eau statique dans lequel un vieux mexicain édenté, sénile et manifestement connu dans le coin croit se laver les mains.

"Senor Rodrigo", son visage osseux de vieillard, son chapeau texan en lambeaux et ses vêtements couverts d'une boue sèche et crouteuse entrent dans la camionnette. Ses yeux innocents et ses doigts squelletiques répandent l'eau vaseuse sur les banquettes et sur mes vêtements. Le chauffeur le talonne, le sermonne comme un enfant
en hochant sa tête de droite à gauche, les yeux dans les airs et essuie tout derrière lui à l'aide d'un chiffon sec.
La porte se referme, le vieux Rodrigo lâche un minuscule rire, se retourne vers nous, paumes jointes, regard hagard, encore dans sa tête...
Le chauffeur le sermonne encore, lui dit de laisser les touristes tranquilles et s'empresse de démarrer le moteur.

La camionnette nous conduira, dans une suite infinie de grincements ininterrompus, jusqu'aux abords inquiétants de Chamula.

dimanche 15 juillet 2007

Chichen Itzà

Le Mexique se pète les bretelles d'avoir sur son territoire une des sept nouvelles merveilles du monde.










samedi 14 juillet 2007

Remembrances du 1er juillet avant de reprendre le large

Sachez que les douanières de Montréal n'ont rien de comparable à leurs consoeurs américaines. Elles se débarrassent volontiers de leur naturel stoïque entre deux fouilles pour une petite séance de charme!
Si seulement elles n'avaient pas 40 ans...
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Fêter la confédération à bord d'Air Canada, c'est comme fêter Noël au Pôle Nord!

mercredi 11 juillet 2007

Entre l'eau et la terre

Chaque goutte de sueur versée, d'eau douce coulant sur ma tête entres deux arbres géants et leurs lianes, d'eau saline perlant sur ma peau jusqu'au bout de mes lèvres...

Ainsi que chaque grain de terre rouge sous mes ongles, de sable blanc entre mes orteils...

Me mettent dans un état de béatitude et de bonheur.

Je suis heureux!

Et à San Cristobal de Las Casas...

Les papillons préfèrent se fracasser sur le parvis des églises.
Repus de soleil, ils finissent eux aussi par rendre l'âme au son des cloches de 18:00.


De la jungle à l'océan

vendredi 6 juillet 2007

Coleopteris

Les scarabées ne se cachent pas pour mourir.

Ils agonisent d'abord de longues heures sur les esplanades avant de rendre l'âme sous le soleil brûlant d'Oaxaca.

Teotihuacàn et Monte Albàn





jeudi 5 juillet 2007

Passagers éphémères

Nous n'avons fait qu'un bref passage sous les trop larges jupons de la ville de Mexico; une visite indicrète où nos yeux voyeurs ont pu contempler les beautés, les idylles et les folies de la ciudad et de son peuple!

L'occasion aussi de faire des rencontres marquantes, de former des amitiés à la fois volatiles et intenses.

Allemands, français, danois, américains ont jusqu'ici croisé nos routes pour un ou plusieurs jours pour ensuite repartir et reprendre leur chemin. Ils auront pourtant été pendant ces moments éphémères de véritables amis qui auront partagé - parfois même 24 heures par jour - chambres, pauses gastronomiques ou activités. Mais ils deviendront finalement, aussi rapidement qu'ils sont arrivés, de distantes connaissances.


mercredi 4 juillet 2007

La puerta

Nous étions arrivés tard, Nicolas et moi cherchant un hôtel où passer la nuit, Richard et Stefanie traînant de la patte à l'arrière. Des rues désertes et des dizaines d'hôtels à visiter.

Une chambre d'hôtel, quatre personnes, une poignée de pesos. Simple mais correct pour la nuit.
Quatre personnes, deux garde-robes, deux portes de garde-robes, une porte d'entrée, une toilette, pas de porte de toilettes...

Et un problème.

Descente à la réception et recherche d'une toilette publique dans l'hôtel.
Le vieux concierge relève la tête, me regarde d'un oeil figé, se dérobe derrière ses lunettes, ouvre sa bouche de poisson pas frais et tousse un "si".
Il soulève nonchalament sa carcasse, relève le comptoir derrière lequel il passe la nuit et se traîne devant moi jusqu'à sous les escaliers.

Ouvrons une porte métallique grinçante, arrivons dans une catacombe humide.
De la mousse, du métal rouillé, de l'eau qui coule de façon incessante dans un sceau.
Ouvrons une seconde porte et entrons enfin dans la toilette.

Il lève son gros bras, pointe la cuvette et retousse un "aqui" pour enfin refermer la porte devant moi.

Je suis seul avec cette cuvette, une porte de métal écaillée et rouillée devant moi.
Je me retourne, aucun couvercle.
Je mets la main sur le rouleau de papier, il est partiellement mouillé.
L'eau coule toujours dans le sceau à côté. Je suis dans une alcôve sous les escaliers, à côté des catacombes, le nez dans une porte rouillée, assis sur la céramique froide.

À bien y penser, je crois que je préfère les salles de bain sans portes.

dimanche 1 juillet 2007

Chantant sous la foudre en el Zòcalo

Le tonnerre gronde comme je ne l'ai jamais entendu gronder. À cette altitude (2300 mètres) les tempêtes donnent l'impression que l'univers s'écroule autour de nous, que la Catedral s'effondre sur el Zòcalo, ruines sur ruines. Pas étonnant que les Aztèques de Mexico aient développé une cosmologie du sacrifice.

À la seconde où il se met à pleuvoir, les vendeurs de parapluies, de simili-capes de plastique et d'autres gadgets imperméables s'agglutinent sur les trottoirs pour crier leur bonne nouvelle. La grande place se vide de ses milliers de vendeurs ambulants et de ses spectacles urbains pour céder la place à ces brocanteurs de tempête pourtant invisibles lorsqu'il faisait encore beau. Toute cette spontanéïté est inspirante, cette façon déjà perceptible qu'ont les mexicains (et les sud-américains en général) pour improviser, passant de clochards à vendeurs de capes, de cuisinières à vendeuses de parapluies, de pieuses sur le parvis de la cathédrale à auditrices d'un discours politique passionné harangué sur le trottoir le temps que la pluie, le tonnerre et la foudre ne finissent leur chanson.