lundi 16 juillet 2007

Gares

Nos deux semaines se sont révélées trop courtes pour alimenter adéquatement cet endroit de ce que nous avons pu vivre et voir. Les notes manuscrites et les correspondances privées se sont révélées beaucoup plus éloquentes et étoffées en matière de détails et d'histoires. Il n'est pas trop tard pour les retranscrire ici.

Après avoir dévoré des
pollos (poulets) rôtis entiers à l'arrêt de bus pour Cholula, à même leur sac de plastique brûlant, avec doigts en guise de fourchettes, assis en enfilade sur les bancs metalliques rouges aux côtés de l'authentique pueblo mexicain - et pas très loin des pollos bien vivants non plus - notre appétit d'expériences populaires avait été rassasié.

Mais comme l'appétit vient en mangeant, nous nous sommes remis à table avec San Juan Chamula, le village indien mystique à quelques kilomètres de San Cristobal. La scène : une gare assurant la connection avec le village, sol en rocaille et terre, cabane en bois, pilliers de béton blanc qui ne soutiennent rien du tout étant donné l'absence de toit.


Le chauffeur d'autobus de 15 ans calé dans son fauteuil de conducteur qui ne semblait pas comprendre pourquoi je lui demandais son âge avec des yeux ahuris.

La Guadeloupe trônant sur sa chapelle en plâtre dans un coin du stationnement, entourée de fleurs, de chandelles et d'offrandes, mais surtout d'hommes que l'on n'imagine pas agenouillés aux pieds de cette vierge-là.

Un grand tonneau d'eau statique dans lequel un vieux mexicain édenté, sénile et manifestement connu dans le coin croit se laver les mains.

"Senor Rodrigo", son visage osseux de vieillard, son chapeau texan en lambeaux et ses vêtements couverts d'une boue sèche et crouteuse entrent dans la camionnette. Ses yeux innocents et ses doigts squelletiques répandent l'eau vaseuse sur les banquettes et sur mes vêtements. Le chauffeur le talonne, le sermonne comme un enfant
en hochant sa tête de droite à gauche, les yeux dans les airs et essuie tout derrière lui à l'aide d'un chiffon sec.
La porte se referme, le vieux Rodrigo lâche un minuscule rire, se retourne vers nous, paumes jointes, regard hagard, encore dans sa tête...
Le chauffeur le sermonne encore, lui dit de laisser les touristes tranquilles et s'empresse de démarrer le moteur.

La camionnette nous conduira, dans une suite infinie de grincements ininterrompus, jusqu'aux abords inquiétants de Chamula.

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