Chamula
Dans le Chiapas, à travers ses montagnes, les moutons et leurs bergères indigènes grimpent des routes escarpées et sinueuses jusqu'aux abords de Chamula.
San Juan Chamula, un village bicéphale à l'architecture coloniale et aux moeurs indigènes. Les Tzotziles qui y vivent acceptent tant bien que mal d'y voir débarquer les troupeaux de touristes dans leurs éléphants climatisés.
À peine sortis de nos véhicules (camionnette de tôle grinçante pour moi, autocar de luxe pour eux), des dizaines de fillettes tzotziles nous chargent avec bracelets, ceintures, colliers, poupées, vêtements de confection artisanales. Elles insistent, nous collent aux talons, nous tendent une embuscade, nous prennent au piège, s'approchent beaucoup trop près, parlent avec des voix chantantes d'enfants exigeants qui répètent mille fois la même chose.
"Compraaaameeeeeee, Cooooomprameeeeeee!"
Certaines balbutient des mots en d'autres langues qu'elles ont appris en côtoyant des touristes.
Elles ne vont pas à l'école mais elles savent compter, parler, écouter et se souvenir. Leur instinct d'enfant compense en apprenant n'importe quoi. Elles finiront à peu près polyglottes, mais incapables de voir ces langages et ces cultures autrement que par la logique marchande.
"Achète-moi!" devient le disque sautant de la petite qui vient de se rendre compte que nous parlons français.
Elle dit "crème à glace" pour faire l'étalage de ses connaissances francophones et espère qu'on la trouve assez mignonne pour lui acheter 2, 3, 5, 6 bracelets pour 10 pesos (1$).
Une autre plus loin nous demande si nous parlons anglais, français, allemand, japonais avant de se mettre à rire et de se moquer de nous dans un dialecte indigène.
Une autre ne parle pas, elle est déficiente. Elle articule des sons qui rappellent le "cooooooomprameeeeeeeeeeeeee" d'un zombie et non plus d'une petite fille. Elle est habillée de la même façon que les autres, coiffée de la même manière, vendant les mêmes bébelles. Mais ses yeux sont vitreux, sa bouche est croche et elle expulse de la bave par la commissure de ses petites lèvres charnues.
Chez les adultes, les mères sont assises derrière leurs étals de marchandises, enfouies sous l'épaisse végétation des broderies, vêtements, foulards, châles et dessins sur cuir, occupées à répondre sèchement aux acheteurs potentiels et à tresser les cheveux de leurs plus jeunes filles, encore trop jeunes pour chasser le touriste sur le parvis de l'église. Elles nous répondent bêtement, sans sourire, marchandent dur, nous donnent l'impression de les exploiter alors que ce sont elles qui nous servent des prix exorbitants.
Nous y sommes mal accueillis et c'est précisément le paradoxe de l'endroit; malgré la présence d'un office du tourisme, nous ne sommes pas les bienvenus. Les rapports entre étrangers et locaux sont purement commerciaux, empreints d'une froideur et d'une méfiance qui anésthésient notre enthousiasme de touristes, qui rendent nos pas plus incertains et nos appareils photos plus timides.
Déjà que notre légendaire passé colonial ne doit pas aider à la camaraderie de nos échanges, les Tzotziles ne semblent pas posséder une culture des plus chaleureuses non plus. Il s'en dégage une incompréhension et un manque de communication qui allourdissent le climat.
Au travail des enfants, à la froideur de ses habitants et à l'inconfort général de notre présence, il faut ajouter le mystique et l'interdit.
Interdit de prendre des photos des tzotziles qui se cachent ou qui exigent beaucoup de pesos en échange de leur image. Interdit d'entrer dans l'église sans autorisation et paiement du droit d'entrée. Interdit de prendre des photos dans l'église sous peine de confiscation de l'appareil et de démêlés avec les autorités du village.
Vêtues de leurs vêtements traditionnels, de leurs épaisses jupes en poils noirs et longs, de leur ceinture rouge, de leurs chemises brodées, les femmes tzotziles pratiquent leurs rites traditionnels et mystiques dans l'ex église catholique. Elles y entrent avec leurs enfants, des oeufs, des boîtes de carton remplies de poulets vivants, de l'alcool, des boissons gazeuses et des dizaines de chandelles.
Nous les suivons dans l'embrasure de l'épaisse porte de l'église.
San Juan Chamula, un village bicéphale à l'architecture coloniale et aux moeurs indigènes. Les Tzotziles qui y vivent acceptent tant bien que mal d'y voir débarquer les troupeaux de touristes dans leurs éléphants climatisés.
À peine sortis de nos véhicules (camionnette de tôle grinçante pour moi, autocar de luxe pour eux), des dizaines de fillettes tzotziles nous chargent avec bracelets, ceintures, colliers, poupées, vêtements de confection artisanales. Elles insistent, nous collent aux talons, nous tendent une embuscade, nous prennent au piège, s'approchent beaucoup trop près, parlent avec des voix chantantes d'enfants exigeants qui répètent mille fois la même chose.
"Compraaaameeeeeee, Cooooomprameeeeeee!"
Certaines balbutient des mots en d'autres langues qu'elles ont appris en côtoyant des touristes.
Elles ne vont pas à l'école mais elles savent compter, parler, écouter et se souvenir. Leur instinct d'enfant compense en apprenant n'importe quoi. Elles finiront à peu près polyglottes, mais incapables de voir ces langages et ces cultures autrement que par la logique marchande.
"Achète-moi!" devient le disque sautant de la petite qui vient de se rendre compte que nous parlons français.
Elle dit "crème à glace" pour faire l'étalage de ses connaissances francophones et espère qu'on la trouve assez mignonne pour lui acheter 2, 3, 5, 6 bracelets pour 10 pesos (1$).
Une autre plus loin nous demande si nous parlons anglais, français, allemand, japonais avant de se mettre à rire et de se moquer de nous dans un dialecte indigène.
Une autre ne parle pas, elle est déficiente. Elle articule des sons qui rappellent le "cooooooomprameeeeeeeeeeeeee" d'un zombie et non plus d'une petite fille. Elle est habillée de la même façon que les autres, coiffée de la même manière, vendant les mêmes bébelles. Mais ses yeux sont vitreux, sa bouche est croche et elle expulse de la bave par la commissure de ses petites lèvres charnues.
Chez les adultes, les mères sont assises derrière leurs étals de marchandises, enfouies sous l'épaisse végétation des broderies, vêtements, foulards, châles et dessins sur cuir, occupées à répondre sèchement aux acheteurs potentiels et à tresser les cheveux de leurs plus jeunes filles, encore trop jeunes pour chasser le touriste sur le parvis de l'église. Elles nous répondent bêtement, sans sourire, marchandent dur, nous donnent l'impression de les exploiter alors que ce sont elles qui nous servent des prix exorbitants.
Nous y sommes mal accueillis et c'est précisément le paradoxe de l'endroit; malgré la présence d'un office du tourisme, nous ne sommes pas les bienvenus. Les rapports entre étrangers et locaux sont purement commerciaux, empreints d'une froideur et d'une méfiance qui anésthésient notre enthousiasme de touristes, qui rendent nos pas plus incertains et nos appareils photos plus timides.
Déjà que notre légendaire passé colonial ne doit pas aider à la camaraderie de nos échanges, les Tzotziles ne semblent pas posséder une culture des plus chaleureuses non plus. Il s'en dégage une incompréhension et un manque de communication qui allourdissent le climat.
Au travail des enfants, à la froideur de ses habitants et à l'inconfort général de notre présence, il faut ajouter le mystique et l'interdit.
Interdit de prendre des photos des tzotziles qui se cachent ou qui exigent beaucoup de pesos en échange de leur image. Interdit d'entrer dans l'église sans autorisation et paiement du droit d'entrée. Interdit de prendre des photos dans l'église sous peine de confiscation de l'appareil et de démêlés avec les autorités du village.
Vêtues de leurs vêtements traditionnels, de leurs épaisses jupes en poils noirs et longs, de leur ceinture rouge, de leurs chemises brodées, les femmes tzotziles pratiquent leurs rites traditionnels et mystiques dans l'ex église catholique. Elles y entrent avec leurs enfants, des oeufs, des boîtes de carton remplies de poulets vivants, de l'alcool, des boissons gazeuses et des dizaines de chandelles.
Nous les suivons dans l'embrasure de l'épaisse porte de l'église.
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